Il parait que le sel est mauvais pour la santé. Vous a-t-on déjà recommandé d’en limiter sa consommation ? Cet article est un peu long ; moins long qu’un repas cela dit. Saviez-vous que nous mangions en moyenne 100 000 fois dans une vie ? Je me suis dit que cela méritait un fact-checking des recommandations nutritionnelles, et nous allons commencer par le sel.
Car en dépit des nombreux résultats de recherche remettant en question l’utilité des régimes appauvris en sel, la plupart des grandes organisations médicales continuent de les recommander avec un aplomb déconcertant. Pourtant, dans le domaine de la santé, l’assurance avec laquelle les spécialistes s'expriment devrait correspondre à la qualité des preuves sous-jacentes à ces recommandations, alors qu’en est-il ?
Si vous êtes médecin, ou si vous vous êtes déjà documenté sur le sujet de la nutrition, préparez-vous à être bousculé par les résultats de mes recherches, car après un mois entier à lire les centaines de papiers de recherche disponibles sur les effets du sel sur la santé, je vous livre les résultats stupéfiants de mes découvertes. Bien sûr, toutes mes affirmations s’appuient sur des études scientifiques, et j’en donne systématiquement le lien, n’hésitez pas à les consulter et à faire vos propres recherches.
Pour bien comprendre la suite, il faut d’abord faire un point pour saisir le rôle du sel pour l’organisme, puis expliquer pour quelles raisons il est si présent dans notre alimentation. De là, nous verrons à quel point ce que l’on nous dit est faux, pour ne pas dire dangereux et vous comprendrez comment nous en sommes arrivés à cette situation.
Du sel, pour l’organisme
Le sel de table (chlorure de sodium) est composé d'environ 60 % de chlore et 40 % de sodium. Lorsque le chlorure de sodium pénètre dans le corps, il se dissocie presque complètement en ses composants élémentaires, les ions sodium et chlorure. En tant que particules chargées électriquement, le sodium (Na) chargé positivement et le chlorure (Cl) chargé négativement sont appelés électrolytes, car ils conduisent l'électricité lorsqu'ils sont dissous dans de l'eau.
Le sodium est vital, il sert à maintenir l'équilibre acido-basique, le volume sanguin et la perméabilité des membranes cellulaires. Il est important pour maintenir la bonne concentration des liquides corporels (c'est-à-dire l'osmolalité), accélérer le mouvement des liquides entre les cellules, améliorer l'absorption du glucose et permettre la bonne conduction des impulsions électriques le long des tissus nerveux et musculaires.
Le chlorure est l'ion négatif le plus courant. En tant que composant de l'acide gastrique, il aide à la digestion des aliments et à l'absorption des nutriments. Il se combine au sodium dans le liquide extracellulaire (c’est-à-dire le plasma sanguin et le fluide interstitiel qui se trouve entre les cellules). À eux deux, ils représentent plus de 80 % de toutes les particules présentes dans le liquide extracellulaire.
Les concentrations d'ions dans la sueur et l'urine, qui constituent les principales sources de perte, peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre. En fonction de l'alimentation, de l’intensité d’un exercice, de la pratique chronique d’un entraînement physique, et de l'acclimatation à la température, les glandes sudoripares et les reins vont moduler les concentrations de sodium et de chlorure. Le besoin en sel est ainsi différent d’un individu à l’autre et d’un moment à l’autre. En cas de diarrhée aiguë prolongée ou de sudation excessive, de grandes quantités de sodium peuvent être excrétées ; entraînant un déséquilibre électrolytique et une déshydratation. Ainsi, lors des pics de chaleur, les personnes âgées qui perdent souvent le goût du salé ne doivent pas négliger l’apport accru en eau et en sel, au risque d’une baisse des fonctions cognitives et d’un risque important de déshydratation.
Du sel, pour le plaisir
Vu son importance pour l’organisme, il n’est pas surprenant que nous en aimions le goût. Si ajouter du sel à la nourriture est un trait spécifiquement humain, un chercheur japonais identifia ce comportement chez des macaques en 1965, ceux-ci auraient appris à tremper des pommes de terre dans l'eau salée plutôt que dans l'eau douce, probablement pour en améliorer le goût.
Avec l'avènement de l'extraction extensive du sel et de l'amélioration des transports en Chine il y a plus de 4 000 ans, le goût caractéristique des aliments salés se fit largement apprécier. D’après certaines estimations, l'apport quotidien moyen en sel dans certaines parties de la Chine en 300 av. J.-C. était de près de 7.5 g par jour pour les femmes et de 12.5 g par jour pour les hommes. En 1850, en France et en Grande-Bretagne, on estime que la consommation de sel était de 10 g à 12.5 g par jour.
La plupart des chercheurs s’accordent pour dire que le sens du goût est composé d'un petit nombre de caractéristiques gustatives primaires, habituellement sucrées, acides, salées, amères et umami. On pense que la sensibilité aux goûts a évolué pour aider les animaux à résoudre deux de leurs problèmes les plus importants : l'identification et l'ingestion de nutriments, et la prévention des empoisonnements. Les réponses positives ou négatives aux molécules organoleptiques sont souvent programmées génétiquement. Par exemple, les goûts sucrés sont généralement appréciés et ingérés de façon innée par les herbivores et les omnivores (certains carnivores, comme les chats, ne détectent pas les composés sucrés). En revanche, les substances amères sont généralement détestées et évitées, car beaucoup sont toxiques.
En plus du goût, les aliments dégagent des composés volatils qui leur confèrent une identité propre : la saveur. Ces propriétés sensorielles sont transmises par le sens de l'odorat (nerf olfactif I) ressenti principalement par la voie rétronasale et par le sens de la chémoréception ou d'irritation (nerf trijumeau V). Il est à noter que de nombreux chercheurs incluent la texture des aliments en tant que composante de la saveur.
En travaillant avec divers aliments (soupes, riz, œufs et chips), on a constaté qu’en plus du goût salé, le sel améliore la perception de la consistance, augmente le goût sucré, masque les notes métalliques ou chimiques, et renforce le goût général, tout en améliorant la force aromatique. Ces effets sont illustrés dans le diagramme suivant, avec l’exemple de la soupe.
Du sel, pour l’industrie agroalimentaire
Le sodium est naturellement présent dans la plupart des aliments, mais au-delà de ses qualités gustatives, pourquoi est-il ajouté dans les produits transformés ?
Le sel a sans aucun doute été la première substance antimicrobienne à être utilisée. On peut être sûr que c'est son utilisation comme conservateur plutôt que comme assaisonnement qui lui a donné sa valeur dans les premières civilisations. Le mot "salaire" vient en fait de "sel", et dans l'Empire romain, le sel était si précieux que les gens l'utilisaient comme monnaie.
Pour la conservation des aliments, l’un des problèmes principaux à résoudre est ce que l’on appelle “l’activité de l’eau”. L’activité de l’eau (que l’on note AW) n’indique pas la teneur exacte en eau d’un aliment, mais plutôt la disponibilité d’eau libre d’une matrice alimentaire, c’est-à-dire la proportion d’eau susceptible d’être utilisée par les microorganismes. La valeur de l’AW varie entre 0 (le produit est sec ou son eau est liée à certains composants, la rendant indisponible aux microorganismes) et 1 (l’eau pure). Les aliments ayant une activité de l’eau élevée sont favorables au développement de microorganismes et sont donc plus sensibles à la dégradation. Des techniques traditionnelles telles que le salage, le fumage ou le séchage permettent de réduire l’activité de l’eau. La technologie moderne a fourni des méthodes plus rapides pour introduire le sel dans la viande ou le poisson, mais l'essentiel est resté inchangé depuis des siècles. Des solutions salines contenant 15 à 25 % de sel sont utilisées pour réduire l'activité de l'eau à environ 0.96. Avec l'avènement d'autres méthodes de conservation, notamment la mise en conserve et la réfrigération, l'importance du salage a diminué. Mais certains produits de viande, comme le jambon et le saucisson sont toujours conservés de cette façon.
Le sel ainsi que d’autres ingrédients à base de sodium (comme le nitrate de sodium) jouent un rôle assez large dans l’industrie agroalimentaire. Ils préservent les aliments en inhibant la croissance des bactéries, des levures et des moisissures et préviennent ainsi la détérioration des aliments ainsi que les maladies d'origine alimentaire. Ils améliorent également la qualité des produits en terme de couleur, de saveur et de texture.
Quelques exemples d’utilisation du sel pour l’industrie agroalimentaire :
- Le pain - le sel ralentit légèrement la fermentation en retardant l'action de la levure. En agissant sur les prolamines et les gluténines, le sel améliore également la stabilité et la résistance du gluten. Ces effets ont pour conséquence une production plus uniforme du gaz carbonique ainsi qu’un pouvoir de rétention du gaz amélioré, évitant la formation d’alvéoles trop grandes. La mie est ainsi plus fine, plus souple, plus élastique et donc plus agréable.
- La viande - lors de la transformation du muscle en viande, lorsque le pH diminue de manière trop importante, le réseau de protéines se resserre et l’eau est expulsée. C’est dans ces conditions que l’on obtient des viandes fibreuses et impropres à la consommation. Pour éviter ce phénomène, on ajoute du sel qui diminue le resserrement des protéines.
- Le poisson - grâce au salage, l'eau est retirée de la chair, le sel pénètre dans les tissus du poisson et les jus du corps se concentrent en une solution saline. Lorsque suffisamment de sel entre, il interagit avec l'ensemble des protéines, ce qui provoque la coagulation, les cellules des tissus rétrécissent, la chair du poisson perd son aspect translucide et ne colle plus au toucher. L’activité de l’eau est diminuée. Pour les poissons non séchés, le sel a un effet antimicrobien et tue les parasites des poissons.
- Le fromage - le sel retarde la prolifération des bactéries, contrôle la vitesse de fermentation, modifie la chimie des aliments et, par conséquent, leur apparence et leur saveur.
- La crème - en fouettant la crème ou les blancs d’oeufs, une pincée de sel augmente et stabilise le volume.
- Les saucisses - dans les viandes transformées, le sel et les ingrédients contenant du sodium aident à maintenir les morceaux de viande ensemble.
- Les légumes - une autre façon de les conserver consiste à les faire tremper dans de la saumure ou une solution d'eau et de sel.
- Les sauces - avec des concentrations appropriées de sel, sucre et acide acétique (un des principaux constituants du vinaigre), les sauces peuvent être rendues autostables à température ambiante, sans nécessiter d’agents de conservation ou de traitement thermique supplémentaire. Les bactéries et champignons sont ainsi privés de l’eau libre nécessaire à leur développement.
- Les gâteaux - une faible teneur en sel (0.3 % à 0.5 %) permet d’améliorer leur durée de conservation en empêchant les moisissures de se développer.
- Les légumes marinés - le sel aide à prévenir la détérioration des légumes marinés dans le vinaigre, car les bactéries tolérantes à l’acide du vinaigre ne supportent généralement pas le sel.
La découverte du lien entre le sel et l’hypertension
Il semblerait que le premier lien entre la consommation de sel et l’hypertension artérielle ait été établi en France en 1904 par Ambard et Beaujard. Dans leur étude, les deux chercheurs ont suivi six personnes souffrant d'hypertension artérielle pendant trois semaines.
Ils variaient leur consommation de sel à l'aide de trois régimes :
- le premier, avec très peu de sel, consistait en deux litres de lait par jour ;
- le second contenait également peu de sel, mais en plus du lait, contenait beaucoup de protéines (viande et œufs) ;
- le troisième régime était composé des mêmes quantités de lait que le premier, plus deux litres de bouillon salé contenant 10.5 g de sel.
À l'époque, on pensait que l'hypertension était due à une "intoxication" par les protéines. L'expérience d'Ambard et Beaujard visait à réfuter ce mythe dominant.
Le bilan salin global des patients était mesuré en estimant la quantité de sel excrétée dans les urines chaque jour (il est beaucoup plus facile d’estimer l'apport en sodium d'après la quantité de sodium excrétée que de mesurer la quantité consommée). Ils ont découvert que lorsque le régime alimentaire était pauvre en sel, une plus grande quantité de sel était excrétée dans l'urine que ce qui était consommé, de sorte que le patient avait un bilan de sodium négatif (décharge de sel). En dépit de l’apport considérable de protéines, la tension artérielle avait chuté. Lorsque l'alimentation était riche en sel, moins de sel était excrété dans les urines, de sorte que le patient avait un équilibre de sodium positif (rétention de sel) et la tension artérielle augmentait, même si l'apport protéique était bas.
Bien que la tension artérielle d'un des patients n'ait quasiment pas été affectée, les Français Ambard et Beaujard ont conclu de ces singuliers et cruels régimes qu'ils avaient démontré une relation étroite entre l'équilibre salin et la tension artérielle.
En 1907, un chercheur allemand nommé Lôwenstein a contesté ces résultats. À partir de là, l’opinion s’est divisée entre les partisans de l’hypothèse sel-hypertension, et les sceptiques. À l’époque, certains chercheurs pensaient que le composant dangereux du sel était l’ion chlorure, mais un scientifique nommé Léon Blum mit en avant le sodium à l’issue de son étude comparative. C'est à cette époque, dans les années 20, que la discussion a commencé aux États-Unis lorsque Allen, un médecin influent, a émis des recommandations sur la restriction en sel pour les patients hypertendus. Dans les années suivantes, les résultats d’Allen ont été confirmés et réfutés par plusieurs auteurs, mais à la fin des années 30, l’engouement autour de la restriction du sel s’était estompé.
Cette tendance n'a repris de l'ampleur qu'à la fin des années 1940, lorsqu'un chercheur nommé Walter Kempner a démontré qu'un régime hyposodé (pauvre en sel) pouvait être utilisé pour traiter cinq cents patients souffrant d'hypertension artérielle. Peu importe si ce régime se composait de riz nature et de fruits, et s'il était presque impossible à respecter (les solutions qui nécessitent des changements de mode de vie radicaux ne fonctionnent que très rarement, car elles sont difficiles à maintenir sur le long terme). Un procès fut même intenté au Dr Kempner pour avoir eu recours à des châtiments corporels afin de rendre ses patients obéissants à son régime.
En 1949, les chercheurs Chapmann et Gibbons, ont passé en revue les 45 premières années de la controverse sur le sel dans un article dans lequel ils ont analysé les articles de plus de 30 auteurs basés sur un total de 1573 patients qui avaient été traités avec un régime hyposodé ; la plupart d'entre eux selon les principes d'Allan ou Kempner. Chapman et Gibbons ont conclu qu'il y avait une absence de rigueur scientifique (absence de cas-témoins). Les auteurs mentionnent que "plus les observations de contrôle sont bonnes, moins les résultats sont frappants". D'autre part, Chapman et Gibbons affirment également que “tous ces résultats ne doivent pourtant pas être ignorés sous prétexte que des facteurs autres que des restrictions alimentaires peuvent les avoir produits". Par conséquent, Chapman et Gibbons avaient un point de vue équilibré et n'ont pas refusé la possibilité que la réduction de la consommation de sodium puisse avoir un effet sur la tension artérielle. Ils préconisaient simplement des études contrôlées (usage d’un groupe témoin non affecté par le traitement afin de pouvoir comparer leur état au groupe traité), ce qui était une demande raisonnable, même en 1949. Le docteur Lewis Kitchener Dahl entre en scène vers 1950 et sera, jusqu'à sa mort en 1975, le plus important contributeur à l'hypothèse sel-hypertension.
Depuis la première étude de Ambard et Beaujard (1904), il s’écoulera près de 70 ans avant que les premières études utilisant des méthodes scientifiques rigoureuses telles que l’essai randomisé contrôlé (des personnes choisies de manière aléatoire reçoivent l’un des traitements tandis que les autres reçoivent un faux traitement) soient effectuées en 1973.
Aujourd’hui, les preuves démontrant les dangers d’un apport excessif de sel chez les personnes souffrant d’hypertension artérielle sont solides. Les résultats d’une étude de très grande ampleur impliquant 25 pays et menée sur 12 ans l’ont confirmé en 2014. En effet, en analysant les taux de sodium dans l'urine de plus de 100 000 personnes, les chercheurs ont constaté qu'un apport en sodium situé entre 3 g et 6 g par jour (correspondant respectivement à 7.5 g et 15 g de sel par jour) était associé à un risque moindre de décès et d'événements cardiovasculaires qu’un apport plus élevé. Mais cette étude révèle également une information très importante qui fragilise les certitudes de toute une partie du corps médical : une consommation inférieure à 7.5 g de sel augmenterait très significativement le risque de décès et d’événements cardiovasculaires. Nous y reviendrons plus tard.
À propos de l'hypertension artérielle
Dans le monde, on estime que plus d’un milliard d’adultes souffrent d’hypertension, et que celle-ci serait responsable de plus de 9 millions de décès par an. Si vous n'êtes pas concerné, vous pourriez l’être demain. Les effets d'une hypertension de longue durée et progressivement croissante sont sérieux, il est donc important de savoir comment l’éviter et comment la combattre. C’est l’objectif de ce chapitre.
La pression artérielle (ou tension artérielle) est la force, ou la pression, que le sang exerce sur la paroi des artères. Celle-ci varie avec le moment de la journée, la position du corps, le sexe et l'âge de l'individu. Au repos et pendant le sommeil, la pression artérielle tend à baisser. La pression artérielle tend à augmenter naturellement avec le vieillissement et est habituellement plus élevée chez la femme que chez l'homme. La paroi artérielle, en particulier celle des grosses artères, contient une quantité importante de tissu élastique. Quand, lors du vieillissement, le tissu élastique est remplacé par du tissu fibreux inélastique, la pression artérielle s'élève.
Le terme “hypertension” est utilisé pour désigner une pression artérielle dont la baisse représenterait, davantage encore que tous les autres facteurs de risque cardiovasculaires, un bénéfice pour le patient. Des mesures de la pression artérielle systolique et diastolique inférieures à 130/85 mmHg respectivement sont considérées comme normales. La valeur systolique correspond à la pression maximale rencontrée lors de la contraction du cœur, tandis que la valeur diastolique correspond à la pression minimale constatée lors du relâchement du cœur.
L'hypertension a des effets spécifiques sur certains organes :
- Le coeur - face à une élévation soutenue de la pression artérielle, la fréquence et la force des contractions cardiaques augmentent pour maintenir le débit cardiaque. Le ventricule gauche s'hypertrophie, et finit par défaillir. La défaillance cardiaque ventriculaire gauche entraîne une hypertension et une accumulation de sang dans les poumons (congestion pulmonaire), une hypertrophie du ventricule droit et finalement sa défaillance. L'hypertension prédispose aussi à la maladie ischémique du coeur et à la formation d'anévrismes (dilatation anormale de la paroi d’un vaisseau entraînant la création d’une poche de sang).
- Le cerveau - l'accident vasculaire cérébral dû à une hémorragie cérébrale est fréquent ; ses conséquences dépendent de son siège. Quand une série de petits vaisseaux se rompent successivement, par exemple au niveau de microanévrismes, une infirmité sévère se développe progressivement. La rupture d'un gros vaisseau détermine une perte importante des fonctions cérébrales, et possiblement la mort.
- Les reins - l'hypertension provoque des lésions rénales. Si elle ne dure qu'un temps court, la guérison peut être complète. Sinon, les lésions rénales aggravent l'hypertension par activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (système hormonal localisé dans le rein et dont le rôle est de maintenir l'équilibre entre les ions sodium et l'eau), entraînant une perte progressive de la fonction rénale et l’insuffisance rénale.
- Les vaisseaux sanguins - une pression artérielle élevée altère les vaisseaux sanguins. Les parois des artérioles (petits vaisseaux sanguins) durcissent, et dans les artères de gros calibre, le développement de plaques athéromateuses s'accélère. Ces plaques entraînent l'athérosclérose, la première cause de mortalité et d'invalidité dans les pays développés. En présence d'autres facteurs de risque de pathologie vasculaire, comme le diabète ou le tabagisme, les lésions sont plus importantes. La paroi du vaisseau peut être si affaiblie par ces modifications qu'un anévrisme (dilatation anormale de la paroi d’un vaisseau) peut se développer ; et les vaisseaux sanguins s'altérant progressivement et devenant moins élastiques, l'hypertension s'aggrave. Les effets d'une hypertension chronique sont particulièrement importants sur les capillaires rétiniens et rénaux ; une hémorragie rétinienne et une diminution de la fonction rénale peuvent survenir.
Les mécanismes les plus susceptibles d’être impliqués dans la pathogénie de tous les types d’hypertension sont une activation inappropriée du système rénine-angiotensine (système hormonal localisé dans les reins et dont le rôle est de maintenir l'équilibre entre les ions sodium et l'eau), une diminution de l’excrétion rénale de sodium et une augmentation de l’activité du système nerveux sympathique (responsable du contrôle d'un grand nombre d'activités automatiques de l'organisme), individuellement ou en combinaison. L’incapacité des reins à excréter le sodium de manière optimale et donc de réguler le volume plasmatique (composant liquide du sang, dans lequel les cellules sanguines sont en suspension) conduit à une augmentation persistante de la pression, quelle que soit la cause sous-jacente.
Des facteurs prédisposant à l'hypertension bénigne seraient l'obésité, le diabète sucré, l'hérédité, la sédentarité et la consommation excessive d'alcool. Le stress peut augmenter la pression artérielle. Par ailleurs, il existerait un lien entre un faible poids de naissance et l'apparition d'une hypertension à l'âge adulte.
Les modifications du mode de vie sont une composante importante du traitement et de la prévention de l’hypertension artérielle. Elles permettent de diminuer le recours au traitement pharmacologique et le cas échéant d’en tirer l’efficacité maximale. Tous les patients avec hypertension, préhypertension ou des antécédents familiaux d’hypertension devraient être encouragés à suivre ces quelques règles hygiénodiététiques :
- Arrêt du tabagisme - la consommation d’une cigarette entraîne une augmentation temporaire de la pression artérielle. Si de nombreuses études concluent que le tabac n’est pas une cause de l’hypertension, il a été démontré que le tabagisme et l’hypertension ont un effet synergique négatif sur le risque de maladie coronarienne, l’arrêt du tabac est donc essentiel en cas d’hypertension.
- Réduction pondérale - l’obésité est associée à une tension artérielle élevée. Une réduction, même minime, du poids corporel entraîne une réduction de la tension artérielle systolique et de la tension diastolique. Cela est encore plus vrai pour l’obésité de type androïde qui se manifeste par une augmentation du rapport tour de taille sur tour de hanche supérieur à 0,85 chez la femme et 0,95 chez l’homme.
- Réduction des glucides - dans le cadre d'un régime alimentaire sain, la substitution partielle des glucides par des protéines ou des acides gras mono-insaturés permettrait, entres autres, d’abaisser la tension artérielle. Ceci, car la consommation de glucides augmente les taux d’insuline qui vont provoquer la réabsorption du sodium en agissant sur les reins. Il est à noter que la réduction des glucides, en plus de réduire les maladies cardiovasculaires, serait la seule méthode véritablement efficace pour perdre du poids de façon durable. Une liste des aliments riches en glucides est disponible ici.
- Évitement des sources de stress - le stress, et plus particulièrement chez les jeunes, serait associé à l’hypertension.
- Activité physique - des séances récurrentes, même relativement brèves, d'activité physique de faible intensité, par exemple 6 minutes par heure, peuvent avoir des effets bénéfiques importants sur la santé, notamment la réduction de la tension artérielle. Aussi, il est bénéfique pour la tension artérielle d’interrompre une position assise prolongée par de brèves périodes de marche légère ou de simples activités de contractions musculaires.
- Réduction de la consommation d’alcool - en plus d’interférer avec le traitement médicamenteux et d’induire une résistance aux antihypertenseurs, l’alcool augmente les risques d’hypertension. Les femmes auraient près de trois fois plus de chances de présenter une tension artérielle élevée en cas de consommation excessive, et les buveuses occasionnelles qui boivent plus de 2 à 3 fois par mois ont environ 70 % plus de chances de présenter une tension artérielle élevée.
- Optimisation des apports en potassium - une alimentation riche en potassium permettrait d’abaisser les chiffres de pression artérielle. Une liste des aliments riches en potassium est disponible ici. Les sels de potassium que l’on peut trouver dans le commerce doivent être utilisés avec prudence afin d’éviter tout risque d’hyperkaliémie (excès de potassium dans le plasma sanguin pouvant provoquer un arrêt cardiocirculatoire).
- Réduction des apports en sodium - comme cela est souvent enseigné dans les facultés de médecine, de nombreux médecins ont tendance à recommander aux personnes hypertendues de suivre un régime limité à 100 mmol/j de sel, ce qui représente 5.8 g de sel par jour. Nous le verrons, en plus d’être difficile à appliquer, cette limite basse est dangereuse. Seules les personnes hypertendues consommant des niveaux supérieurs à 15 g de sel par jour bénéficieraient à réduire leur consommation, en veillant toutefois à ne pas descendre en dessous de 7.5 g par jour.
Chez les 60 ans et plus, l'administration d'antihypertenseurs serait bénéfique pour réduire le facteur de risque d'événements cardiovasculaires, notamment les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus du myocarde, l'insuffisance cardiaque et l'insuffisance rénale. En 2018, la très réputée organisation Cochrane a effectué une étude comparative sur 58 040 patients, dans laquelle elle démontre qu’une faible dose de thiazides serait le traitement médicamenteux à privilégier chez les patients atteints d'hypertension primaire modérée à grave. Cependant, l'âge moyen des sujets de cette étude étant de 56 ans et la diminution de la mortalité toutes causes confondues étant limitée aux personnes âgées de 60 à 79 ans, le groupe de chercheurs a décidé de faire une nouvelle étude, ciblant cette fois-ci les patients de 18 à 59 ans. Ils en ont conclu que si un léger effet bénéfique sur la réduction des accidents vasculaires cérébraux était possible, les décès toutes causes confondues et les crises cardiaques n’avaient quant à eux pas diminué. De plus, en raison d’effets indésirables, de nombreux patients ont dû cesser leur traitement. Les chercheurs estiment que de nouveaux essais, sur une durée minimum de 10 ans, sont nécessaires avant de pouvoir déterminer quel est le meilleur médicament pour les personnes de ce groupe d’âge (18-59 ans), car elles devraient les prendre pendant une longue période.
En raison de la prévalence élevée de l’hypertension, et de la mortalité qui y est associée, des mesures globales ont été recommandées par les organisations médicales afin de réduire la pression artérielle et, par conséquent, le risque de maladies cardiovasculaires. Parmi ces stratégies, la réduction du sodium alimentaire a été incluse dans de nombreuses recommandations pour la prévention de l'hypertension et des maladies cardiovasculaires. Or, non seulement l’excès de sel est bien géré par les personnes en bonne santé dont les reins autorégulent le taux sans incidence sur la pression artérielle, mais surtout, les humains sont équipés d’un système neuroendocrinien capable de réguler l’appétit pour le sodium en fonction des besoins du moment, ce qui rend difficile d’en limiter sa consommation. Enfin, comme nous allons le voir, des études récentes ont soulevé des questions au sujet des effets néfastes associés à un apport trop faible en sodium.
À propos des recommandations des organisations médicales
S’il est exact de déduire de l’étude de Ambard et Beaujard (1904) qu’il existe une corrélation entre le sel et l’hypertension, il est faux de conclure à une causalité en affirmant que l’hypertension est la conséquence d’un excès de sel. C’est pourtant ce qu’ont fait les gouvernements et les organisations médicales du monde entier depuis lors, en préconisant préventivement, et pour l’ensemble de la population, une réduction de la consommation de sel.
Pourtant, peu de preuves solides viennent appuyer cette nécessité. En effet, les quelques essais randomisés contrôlés (considérés comme faisant partie des meilleurs moyens d'évaluer les effets bénéfiques et néfastes d'approches thérapeutiques) disponibles n'ont pas fortement soutenu les avantages de la réduction du sel chez les personnes ayant une tension artérielle normale (populations normotensives). De plus, il n’y a pas de consensus sur le niveau à partir duquel l’apport en sel serait considéré comme élevé :
- Aux États-Unis, l'USDA recommande de ne pas dépasser 5.75 g de sel par jour.
- Aux États-Unis, l’American Heart Association recommande une limite idéale de 3.75 g de sel par jour.
- En France, le Programme National Nutrition Santé recommande de ne pas consommer plus de 6 g de sel par jour.
- En Europe, la Commission Européenne considère qu’un apport de 3.75 g de sel serait adéquat.
- Au niveau mondial, l’Organisation mondiale de la santé recommande fortement de ne pas dépasser 5 g de sel par jour.
En pratique, rien ne justifie ces valeurs. Même en prenant la recommandation française de 6 g par jour, qui est beaucoup moins stricte que celle de la Commission Européenne (3.75 g), la totalité des pays dans le monde (à l’exception de certains pays dont les populations sont sous-alimentées, et encore, les données les concernant sont peu fiables) aurait une consommation excessive de sel. En d’autres termes, l’apport en sel est jugé “normal” à des niveaux que pratiquement personne ne consomme ; il y aurait ainsi d’après eux 7.3 milliards de personnes (97.5 % de la population mondiale) dont la consommation de sel serait jugée anormalement élevée.
En effet, d’après une étude publiée dans le British Medical Journal en 2013, au niveau mondial, la consommation moyenne de sel était de 10.06 g par jour en 2010. Dans cette même étude, on apprend qu’en 2010, certaines régions d’Asie en consommaient près de 14.01 g par jour, contre 9.69 g par jour en Europe de l’Ouest.
Pour ce qui est de la France, d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, nous consommerions en moyenne 7.7 g de sel par jour.
Si la causalité entre la surconsommation de sel et les accidents cardiovasculaires était avérée, nous pourrions nous attendre à ce que les pays dont la consommation est la plus élevée (les plus riches) soient de loin les plus touchés. Or, une autre étude menée sur plus de 156 000 personnes dans le monde révèle que les taux d'événements cardiovasculaires majeurs sont significativement inférieurs dans les pays à revenu élevé que dans les pays à revenu moyen et faible : 3.99 événements pour 1000 années-personnes contre 5.38 et 6.43 événements pour 1000 années-personnes, respectivement. Bien que de nombreux autres facteurs puissent expliquer ces résultats, il n’en demeure pas moins que ceux-ci vont à l’opposé des prévisions. Ce constat devrait amener toute personne sensée à s'interroger sur les hypothèses sur lesquelles se fondent ces engagements de réduction de la consommation de sel au niveau mondial. Malheureusement, ce n’est généralement pas ainsi que nous réagissons lorsqu’on est confronté à la possibilité que l’une de nos croyances les plus profondément ancrées se révèle fausse.
Le problème est que la plupart des acteurs impliqués — recherche, corps médical, autorités de santé publique, associations de santé — se sont engagés à un stade précoce des travaux scientifiques, sur de simples convictions, mais ils se sont néanmoins tellement investis dans celles-ci que toutes les preuves apportées depuis — et que nous allons voir dans le chapitre suivant — ne suffisent pas à les convaincre qu’ils font fausse route. Ainsi, en dépit de l’évidence, ces professionnels, au lieu de réagir comme ils le devraient, c’est-à-dire en reconnaissant qu’ils se fourvoient depuis le début, se contentent d’ignorer, les unes après les autres, les études qui réfutent sans équivoque leurs affirmations.
Cette attitude risque de porter préjudice à leur crédibilité, et ce, à juste titre. Car aussi admirable et sensée que puisse paraître l’attitude volontariste des autorités de santé, qui, à n’en pas douter, font de leur mieux, elle n’en pose pas moins de sérieux problèmes. Notamment le fait qu’on nous ait prodigué “pour notre plus grand bien” certains conseils qui s’avèrent, nous allons le voir, plus nuisibles que bénéfiques.
L’état actuel des connaissances scientifiques
En 1998 déjà, une méta-analyse a combiné les résultats de 114 études menées entre 1966 et 1997. Les chercheurs ont conclu que si une réduction de l’apport en sodium peut être utilisée comme traitement d’appoint de l’hypertension, l’effet de la réduction de l’apport en sodium sur la tension artérielle était insuffisant pour justifier une recommandation générale de réduction de l’apport en sodium.
Une méta-analyse de l’organisation Cochrane, publiée en 2011 et mise à jour en 2014, a tenté par deux fois, mais sans succès, de vérifier l’effet bénéfique d’une réduction de la consommation de sel sur la mortalité et les risques cardiovasculaire.
En 2013, un comité de l’Académie nationale de médecine des États-Unis a évalué les données factuelles concernant l'apport en sodium dans le monde. Ils ont conclu que les données n’appuient pas l’effet positif ou négatif d’une réduction de l’apport en sodium inférieure à 2.3 grammes par jour (5.75 g de sel par jour) en termes de risque cardiovasculaire ou de mortalité dans la population générale. Aussi, le comité ajoute que pour les autres populations à risque (par exemple diabétiques ou préhypertendues), les données disponibles n'appuient pas les avantages supplémentaires d'une réduction de l'apport en sodium inférieure à 2.3 grammes par jour. Par conséquent, ces sous-groupes ne devraient pas recevoir des recommandations différentes de celles de la population générale des États-Unis.
En 2014, des chercheurs ont publié une étude dans la revue scientifique Journal of the American Heart Association qui révèle que si l’apport en sodium est effectivement associé aux maladies coronariennes, cette association est limitée aux personnes présentant une hypertension initiale ou des taux de NT-proBNP au-dessus de la moyenne (les gènes NT-proBNP diminuent l’activité du système rénine-angiotensine-aldostérone qui contribue à la régulation de la pression artérielle via l’équilibre entre les ions sodium et l’eau).
J’ai précédemment évoqué l’étude PURE de 2014 menée sur 101 945 participants, une étude de très grande ampleur dont l’objectif était d’examiner l'impact de l'urbanisation sur le développement des facteurs de risque primordiaux (par exemple : l'activité physique et les changements nutritionnels), des facteurs de risque primaires (par exemple : obésité, hypertension, dysglycémie et dyslipidémie, tabagisme) et des maladies cardiovasculaires. Sur le sujet du sel, cette étude révélait qu’un apport en sodium situé entre 3 g et 6 g par jour (respectivement 7.5 g et 15 g de sel par jour) était associé à un risque moindre de décès et d'événements cardiovasculaires, tandis qu’un apport plus élevé était associé à un risque plus élevé. Ceci pourrait sembler aller dans le sens des recommandations des organisations médicales. Mais le point essentiel pour l’évaluation de la pertinence de ces recommandations était qu’un apport en sodium inférieur à 3 g par jour (7.5 g de sel) est associé à un risque élevé de décès et d'événements cardiovasculaires.
Une limite importante de cette étude était que les résultats des individus souffrants de diabète ou de maladies vasculaires étaient mélangés aux résultats des individus en bonne santé. Le groupe de chercheurs a donc lancé une nouvelle étude, incluant plus de participants encore, et surtout, ils ont dissocié les résultats des personnes hypertendues (63 559 individus) et des personnes non hypertendues (69 559 individus). Dans cette étude, dont les résultats ont été publiés en 2016, 133 118 individus provenant de 49 pays répartis sur 6 continents ont été suivis sur une période médiane de 4 ans, avec pour objectif de déterminer si le lien entre le sodium, les maladies cardiovasculaires, et la mortalité toutes causes confondues est différent selon que les sujets sont hypertendus ou non-hypertendus. Les résultats de cette étude se révèlent essentiels en terme de santé publique.
En effet, cette étude démontre que les participants hypertendus dont la consommation quotidienne de sodium était comprise entre 4 g et 5 g (soit 10 g à 12.5 g de sel) étaient les moins à risque. En comparaison, ceux dont la consommation de sodium était de 7 g ou plus (17.5 g de sel ou plus) et ceux chez qui la consommation était inférieure à 3 g de sodium par jour (moins de 7.5 g de sel) étaient associés à un risque accru de mort et d'événement cardiovasculaire majeur. Il est à préciser que ces résultats sont identiques, que les participants prennent des médicaments contre l'hypertension ou pas.
Chez les participants normotensifs (personnes ayant une tension artérielle normale) en revanche, les résultats se sont avérés différents. Les chercheurs ont constaté que si une consommation inférieure à 3 g de sodium (7.5 g de sel) était associée à un risque significativement augmenté de mort et d'événement cardiovasculaire majeur, il n’en était pas de même chez les individus normotensifs dont la consommation était supérieure à 7 g par jour (17.5 g de sel).
En clair, les résultats montrent que chez les personnes souffrant ou non d'hypertension, le risque d'événements cardiovasculaires et de décès associés à une consommation de sodium de moins de 3 g par jour est accru. Cependant, une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire associée à une consommation élevée de sodium n'a été observée que chez une partie des personnes souffrant d'hypertension (cela représente 24 % des personnes souffrant d'hypertension, mais seulement 10 % de l'ensemble des individus de l’étude), mais pas chez celles ne souffrant pas d'hypertension. Une nouvelle fois, les chercheurs ont conclu : “Nos résultats suggèrent que la réduction du sodium ne devrait être recommandée qu'aux personnes souffrant d'hypertension et ayant un apport élevé en sodium (supérieur à 6 g par jour, correspondant à plus de 15 g par jour de sel), ce qui ne représente qu'environ 10 % de la population étudiée”.
Lorsqu’une personne, spécialiste ou pas, décide d’analyser les données d’un problème qui lui tient à cœur, elle a tendance à ne voir que ce qu’elle veut voir. Ce comportement est humain. Malheureusement, cela ne mène pas à des conclusions très fiables. Pour contourner ce problème, au moins dans le domaine médical, une organisation internationale a été créée au milieu des années 1990 dans le but spécifique d’analyser la littérature scientifique de façon impartiale. Cochrane, c’est son nom, est aujourd’hui largement considérée comme l’une des sources d’évaluation les plus fiables de l’efficacité réelle des mesures de santé, qu’il s’agisse d’un régime, d’une intervention chirurgicale, d’une technique de diagnostic, etc. Elle a d’ailleurs un siège en tant qu’ONG à l’OMS pour y apporter des contributions.
En 2017, Cochrane a décidé de s’intéresser à la question du sel, car selon eux, “malgré plus de 100 ans d'études, la question de savoir si une réduction de l'apport en sodium améliore la santé n'était toujours pas résolue”. Ils ont donc compilé les résultats de 185 études menées entre 1946 et 2016 dans une méta-analyse consultable librement. Pour les 12 210 personnes suivies pendant 4 à 1 100 jours, l’apport moyen en sel a été réduit de 11.5 g par jour à 3.8 g par jour. Chez les personnes normotensives, cette réduction de l’apport de sel a diminué la tension artérielle de 1 %, tandis que la diminution s'élève à 3.5 % chez les personnes hypertendues.
Cependant, cette diminution de l’apport de sel a également entraîné une augmentation de 2.9 % du cholestérol, ainsi qu’une augmentation de 6.3 % des triglycérides, toutes deux sont des substances grasses circulant dans le sang, et sont associées à l'augmentation des risques cardiovasculaires. D’autres changements notables ont été constatés chez tous les sujets, qu’ils soient normotensifs ou hypertendus : 55 % d’augmentation de la rénine et 127 % d’augmentation de l’aldostérone, celles-ci font partie du système hormonal de conservation du sel, et sont impliquées dans le maintien de la tension artérielle. Enfin, ils ont relevé 14 % d’augmentation de l’adrénaline et 27 % d’augmentation de la noradrénaline qui sont les hormones du stress, et donc sont impliquées dans l’augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle.
D’après leurs mesures, l’augmentation moyenne de la fréquence cardiaque s’élève à 2.4 %. Les chercheurs estiment que cet effet secondaire est particulièrement important, car la fréquence cardiaque au repos est directement associée à la mortalité.
Les auteurs indiquent que “les personnes normotensives ne tireraient aucun avantage d’une réduction de leur consommation de sel. Elles pourraient à l’inverse en souffrir, car la réduction du sodium a un effet négligeable sur la tension artérielle alors qu’elle entraîne des effets secondaires importants. Concernant les personnes hypertendues, elles pourraient bénéficier d’une réduction de leur tension artérielle, mais celle-ci s'accompagnerait de dommages dus aux effets secondaires.”
Les auteurs concluent que “lorsque l’apport en sel est réduit au-delà des seuils habituels, les effets nocifs d’une réduction dépassent les avantages de la baisse de la tension artérielle”. Ils ajoutent que “puisque le risque d’effets secondaires et la mortalité sont augmentés, la baisse minime de la tension artérielle provoquée par une réduction de la consommation de sel chez les populations normotensives ne suffit pas à justifier des recommandations pour la population générale.
Ce qu’il faut retenir
Les diverses organisations médicales recommandent de réduire l’apport en sodium des populations mondiales. Pour autant, elles n’ont étudié ni les effets secondaires d’une réduction globale de la consommation de sodium, ni quelles seraient les conséquences sanitaires des méthodes ou substances utilisées par l’industrie agroalimentaire pour le remplacer.
Les organisations médicales ont utilisé des modèles statistiques biaisés pour établir des projections grâce auxquelles elles prétendent pouvoir sauver des millions de vies. En dépit du manque d’études venant confirmer ces théories, les autorités de santé ont émis des recommandations visant à encourager les entreprises à réduire la teneur en sel des aliments transformés et les populations saines à réduire leur consommation à des niveaux difficilement atteignables (inférieur à 6 g par jour, voire à 3.75 g par jour).
Pourtant, rien n'indique dans les études de population qu’un apport en sel limité à 6 g par jour a des effets bénéfiques sur la santé des personnes en bonne santé. À l’inverse, des études récentes et de grandes ampleurs démontrent qu’une réduction de la consommation de sodium aux niveaux recommandés entraîne : des effets secondaires dangereux, une augmentation de la mortalité, une augmentation des risques cardiovasculaires et une diminution de l'espérance de vie liée à l’augmentation du rythme cardiaque et ce, que les personnes soient normotensives (tension artérielle normale) ou hypertendues.
La consommation de sodium est régulée par un mécanisme hormonal et neurophysiologique, et une consommation excessive est bien gérée par les personnes en bonne santé dont les reins autorégulent le taux sans incidence sur la pression artérielle. Si l’on en croit les dernières études sur le sujet, seules les personnes hypertendues consommant des niveaux supérieurs à 15 g de sel par jour bénéficieraient à réduire leur consommation, en veillant pour autant à ne pas descendre en dessous de 7.5 g par jour.
S’il est possible que l’intégralité des études récentes soit biaisée, et que de nouvelles études, de plus grande ampleur encore, soient nécessaires avant d’arriver à un consensus définitif, il est certain qu’en l’état actuel de nos connaissances, aucune politique globale de réduction de la consommation de sel n’est rationnelle.
Ces politiques devraient être abolies. Non pas parce que toutes les tentatives de les mettre en oeuvre ont échoué. Pas non plus parce qu’elles coûtent inutilement des milliards aux divers pays qui les recommandent. Mais parce qu’elles pourraient tuer des gens au lieu de les sauver.
Après tant d’années à soutenir des campagnes infondées, il est compréhensible que l’ego des organisations médicales les pousse à vouloir s’acharner dans cette direction. Mais vu les enjeux, est-ce acceptable ? Avec plus de 185 études rigoureuses et 27 études de population sans signe évident en faveur d'une réduction de la consommation de sel en dessous de 6 g par jour, il pourrait sembler raisonnable d'accepter que l'apport optimal pour la population générale soit l'apport actuel.
Maintenant, à vous de jouer !
Le travail de recherche, d’analyse et de synthèse nécessaire au traitement de ce sujet complexe a nécessité près d’un mois de travail. Il fallait trouver le chemin à proposer afin d’aller au fond des choses, en donnant à chacun les moyens d’une compréhension éclairée, pour faciliter l'accès à des publics divers.
Cet article a été écrit pour le grand public, mais également, et surtout à l’intention des professionnels de santé, car il est important que ceux-ci soient mieux armés pour lutter contre l'inertie des organisations médicales.
Il est compréhensible qu’un médecin ne puisse pas consacrer le temps qu’il m’a fallu pour explorer le champ foisonnant de la recherche sur chaque sujet qu’il a à traiter au quotidien, et pour lesquels il doit tout de même prescrire et conseiller.
Ce que nous pouvons faire, c’est leur prêter main-forte ! Si ce contenu vous a intéressé, convaincu, ou simplement interrogé, je pense que votre santé et celle de millions de gens méritent bien de diffuser et faire connaître l'état de la recherche actuelle à votre médecin ainsi qu’à vos proches.
Surtout, si cet article va à l’encontre d’une de vos prescriptions médicales, je vous invite fortement à le transmettre à votre médecin, qui jugera, à la lumière des sources qui viennent appuyer mes propos, s’il est pertinent de reconsidérer les consignes de votre régime alimentaire.
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